Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/232

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d’entreprise inouï. On travaille avec une ardeur, dans une multiplicité de genres, dont un Européen n’a pas idée. En cinq ans, d’une forêt vierge, on a fait un village florissant, avec son église, sa maison commune, ses champs, ses promenades et jusqu’à ses parterres ornés de fleurs ; j’oublie de mentionner l’imprimerie et le journal, car, dans ce pays, dès qu’un groupe de cent individus s’est réuni, il lui faut sa presse et sa gazette. En admirant ce concert si harmonieux et si fécond pour la civilisation, je me suis pris à formuler un axiome : Plus grande est la somme de liberté donnée aux hommes, moins grands sont les moyens d’en abuser[1].

Pardonne-moi ce grain de vaniteuse philosophie.

Je passe à Niagara, simplement pour constater que M. de Chateaubriand nous a débité sur cette prodigieuse cataracte des bourdes dignes de la mythologie antique. Je ris encore comme un fou, en songeant à l’histoire de son sapajou se suspendant aux lianes de la chute (où il n’y a point de lianes) et repêchant dans le tourbillonnement des eaux des carcasses d’orignaux. Or le sapajou est un mythe dans l’Amérique septentrionale, et existât-il, que l’orignal est un quadrupède aussi gros qu’un bœuf !

Tiens, laissons cela, traversons le lac Huron, remon-

  1. Voir l’Espion-Noir, par H.-E. Chevalier et F. Pharaon.