Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/267

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Oubliant la compagnie au milieu de laquelle il se trouvait, Dubreuil laissait son cœur se dilater. Il admirait, en artiste, cette longue file de légers traîneaux, revêtus de peintures éclatantes et couverts des pelleteries les plus précieuses, que l’on voyait se dérouler comme les anneaux d’un serpent, à chaque coude de la rivière ; il admirait les piquants costumes des conducteurs, glissant agilement sur leurs larges raquettes près des attelages, dont la tête était à demi noyée dans le nuage de vapeurs qui s’échappait de leurs naseaux.

De temps en temps la voix rude d’un Canadien-français les apostrophait :

— Eh, hie donc !

Puis, c’était un coup de fouet suivi d’un plaintif aboiement, et le cortége fantastique, entraîné par le Mangeux-d’Hommes, toujours habillé de rouge, filait, filait comme l’équipage du prince des Enfers dans quelque vieille légende allemande.

La troupe arriva, de bonne heure, à l’embouchure de la rivière Saint-Louis dans le lac Supérieur.

On y fit halte, pour laisser reposer les hommes et les bêtes.

Jésus vint trouver Dubreuil, en contemplation devant la plaine de glace qui se déroulait à plusieurs lieues devant lui.

— Tu sais où nous allons ? lui dit-il.