Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/39

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mètres de long. L’eau n’a guère plus que cinquante, quatre-vingts centimètres, un mètre, au plus, au-dessus des rochers sur lesquels et au milieu desquels elle bondit. Sans écumer précisément, elle a une teinte blanchâtre très-prononcée qui contraste avec le bleu profond de la rivière en amont et en aval de la chute. Dans certains endroits où l’écartement des rochers et la grandeur de leurs dimensions forment des enfoncements profonds, on voit se dessiner d’énormes vortex d’une vitesse de rotation effrayante. Dans d’autres, la crête des rochers dépasse les vagues qui semblent leur livrer un assaut furieux. On dirait, par moments, que cette prodigieuse somme de force vive appartient à quelque être animé, faisant des efforts désespérés pour entraîner ces petits points noirs, immobiles et inébranlables, alors que tout a cédé autour d’eux. Le fracas de ce bouillonnement immense est assourdissant, quoique nul écho ne soit renvoyé par les noires forêts de sapins qui couvrent les rives plates et noyées du fleuve. »

Un de ces vortex ou entonnoirs, comme, dans son langage éloquemment figuré, les appelle le peuple canadien-français, a reçu le nom de Trou de l’Enfer[1].

Il s’ouvre à une portée de fusil du village, entre deux

  1. Ce nom est fort commun en Amérique pour désigner les abîmes. L’enfer et le diable jouent un grand rôle dans la nomenclature des épouvantails populaires.