Page:Chevalley - Le Roman anglais de notre temps.djvu/202

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romancières ont traités avec une persistance et un talent inlassables, pendant les premières années du vingtième siècle ; jamais, peut-être, le roman à thèse n’avait eu pareille vogue. Une part de son succès était due, il faut bien le dire, autant à la peinture qu’à la critique des « cas » physiologiques et psychologiques dont il se nourrissait. Sous le couvert de la croisade, il y a eu bien des excursions dans certains domaines jusqu’alors interdits. Le roman anglais, le roman féminin, a profité plutôt que souffert de cette inconsciente supercherie. Il a eu licence d’étudier, pour le bon motif, les mêmes situations que les « naturalistes » exposaient sans autre objet que de les exposer. Beaucoup de femmes auteurs ont ainsi fait œuvre d’art sans offenser Mrs. Grundy, et l’hypocrisie s’est trouvée battue par ses propres armes.


C’est en 1888 que Sarah Grand (Mrs. Frances Elizabeth MacFall) publiait Ideala (1888), manifeste et modèle du genre. Une jeune femme excentrique, originale, est mal mariée et son mari la trompe. Elle va le quitter, suivre un amant, quand elle s’avise que d’autres, moins excusables qu’elle, pourraient s’autoriser de son exemple. Dans The Heavenly Twins (1893) les escapades de deux enfants terribles de jumeaux servent de cadre à l’histoire de la malheureuse Evadne qui découvre après mariage le passé de son mari et refuse de vivre avec lui. L’humour est de premier ordre et sauve de l’oubli le reste du livre, qui est surchargé d’incidents, de dissertations. Mêmes complications, même vertu rédemptrice de l’humour, c’est-à-dire au fond, de la sympathie et de la compréhension humaines, dans Babs the Impossible (1901), qui ressemble aux jeunes filles de Gyp. Ideala, Babs, Evadne sont des créations de l’intelligence, plutôt que des créatures de réalité.