Page:Chevalley - Le Roman anglais de notre temps.djvu/50

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pointe sèche. Mais il y a la différence entre M.de Courpière et Barry Lyndon qui sépare la Vie parisienne de Punch.

Le grand journal satirique de l’Angleterre débutait alors, et pendant dix ans, 1843-1853, Thackeray y collabora assidûment. C’est là qu’il publia son Book of Snobs. Le snob est, selon son expression, celui qui admire bassement des choses basses. Thackeray n’a cessé, dans son œuvre, de le persifler, sans échapper lui-même entièrement au snobisme, au respect du « comme il faut », simplement parce que c’est le « comme il faut ». Mais il se connaissait, tandis que le vrai snob s’ignore.

En 1847, Vanity Fair consacre la réputation de Thackeray. Voilà une œuvre capitale dans le développement du roman au dix-neuvième siècle, sans héros et sans traîtres, sans rudesse ni sensiblerie, où la vertu n’est point sans défaut, ni le vice sans excuse, copiée sur la vie, souvent grise et sordide, pénétrée d’intérêts et de fourberies, mais éclairée aussi de quelques rayons de tendresse et de générosité, vraie et pourtant pas cynique, sans paillettes, sans clinquant, mal composée, pleine de digressions comme tout ce qu’écrit Thackeray, mais admirablement observée et fidèlement transcrite. Même Becky Sharp, le petit démon femelle qui déroule au centre de l’ouvrage son écheveau d’artifices, n’est pas entièrement artificielle.

Pendennis (1850), qui est autobiographique, et The Newcomes (1855) sont des peintures de la vie contemporaine analogues à Vanity Fair par les sujets, les personnages et la qualité. Esmond (1832), et sa suite inférieure The Virginians (1859), inaugurent un genre de romans historiques mais pas romantiques, que Walter Scott aurait été bien en peine d’écrire. Esmond est l’ouvrage copieux et lent d’un grand artiste en littéra