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Page:Chevalley - Le Roman anglais de notre temps.djvu/51

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ture historique, d’où son immense renom chez les universitaires, une évocation sans bric-à-brac, par l’intérieur et par le style, du temps de la reine Anne, au demeurant, un hors-d’œuvre dans le banquet que Thackeray devait laisser à la postérité.

Là, comme ailleurs, il partage avec Dickens la faiblesse de la composition, et cette force, cette intensité dans l’art de caractériser qui vient du contact et de la sympathie avec l’homme en soi. Chacun écrit pour son milieu, pour son public. En les rapprochant, on a l’image de leur société. Chacun intervient assidûment dans le récit, Thackeray par des commentaires, et Dickens par des combinaisons scéniques. L’un et l’autre sont dénués de philosophie, traditionnels, pétris d’humour et de sentiment, férus de morale et de respectabilité, et tous deux s’arrêtent devant ces réalités de l’amour, de la passion, ou de la simple vie affective, que ni leurs grands devanciers ni leurs grands successeurs n’ont ignorées. On sent en eux, avec tout leur génie, l’influence sociale du germanisme. Par ce qu’ils ne disent pas, autant que par tout ce qu’ils expriment, ils sont « victoriens », et « victoriens » du Prince consort. Ce sont des femmes, les Brontë, puis George Eliot, qui commencent l’émancipation.

Je n’ai mentionné ni la falote et pieuse et tendre Miss Mitford, qui, par son Our Village, rappelle Jane Austen, ni la truculente postérité littéraire de Scott, toute couverte d’oripeaux historiques : John Galt, mort en 1839, Horace Smith en 1849, le prolifique G. P. R. James qui aboutit au burlesque volontaire (1779-1860) et Ainsworth, qui, jusqu’en 1882, bâtissait d’innombrables machines archaïques. Wilkie Collins, qui par certains côtés prolonge Dickens, eut l’art du feuilleton, et fut un Gaboriau pensant, dont Conan Doyle a hérité. Thomas Love Peacock,