Page:Chevalley - Le Roman anglais de notre temps.djvu/98

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les mieux adaptés ? En vain les disciples de Darwin, les plus sincères comme Huxley, se dépensèrent-ils à proclamer que l’évolution n’explique nullement la vie, ni le mystère de ses origines, c’est-à-dire de la Création et de la Religion, et qu’aucune théorie de survivance naturelle n’est incompatible avec les idées de liberté, d’égalité, de fraternité. Dans l’âme des foules, religion et démocratie n’en furent pas moins atteintes par l’évolutionnisme. Les grands romanciers de la fin du dix-neuvième siècle, Thomas Hardy et Meredith, échappaient, dans l’isolement de leur vie et de leur pensée, au nihilisme qui résulta de cette double condamnation.

Certains poètes comme James Thomson, l’auteur de The City of Dreadful Night, se réfugièrent dans un pessimisme combatif. Les plus grands, comme Rossetti, Morris, émigrèrent vers l’esthétisme, le préraphaélisme. D’autres se résignèrent à une sorte de déchéance universelle. Chez un romancier malheureux et cultivé qui se trouvait être un écrivain de race, la tristesse morale et mentale de cette époque de transition s’est ajoutée aux malheurs de sa nature, de son milieu, de sa destinée. La renommée tardive, posthume et croissante de George Gissing est due à la sincérité de cette œuvre.


« L’Art », disait Gissing, dans The Unclassed, « doit être l’expression de la misère, puisque la misère est la clef de l’existence moderne. » Mais ce n’est pas la sympathie pour les malheureux, ni la révolte contre le malheur, qui dicta ses œuvres. Il les écrivit par nécessité, pour gagner sa vie, sans amour, sans passion, sans espoir. « Celui qui écrit ces chapitres de son histoire (The Story of Isabel Clarendon, 3e  roman de Gissing) ne prétend pas à beaucoup plus qu’à exposer les faits, et à en tirer par-