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JEAN-PAUL MARAT.

longtemps avait quitté le foyer paternel et parcourait , pour s’instruire, les principales contrées de l’Europe. Depuis longtemps, en effet, car depuis l’âge de seize ans J.-P. Marat était maître absolu de sa conduite.

Laissons pour ce qu’elle vaut cette calomnie prématurée et voyons ce que Marat lui-même nous a appris de ses premières années.

« — Né avec une âme sensible , une imagination de feu , un caractère bouillant , franc , tenace ; un esprit droit , un cœur ouvert à toutes les passions exaltées et surtout à l’amour de la gloire , je n’ai rien fait pour altérer ou détruire ces dons de la nature , et j’ai tout fait pour les cultiver.

« Par un bonheur peu commun , j’ai eu l’avantage de recevoir une éducation très-soignée dans la maison paternelle, d’échapper à toutes les habitudes vicieuses de l’enfance qui énervent et dégradent l’homme, d’éviter tous les écarts de la jeunesse, et d’arriver à la virilité sans m’être jamais abandonné à la fougue des passions -, j’étais vierge à vingt-et-un ans, et déjà j’étais depuis longtemps livré à la méditation du cabinet.

« La seule passion qui dévorait mon âme était l’amour de la gloire ; mais ce n’était encore qu’un feu qui couvait sous la cendre.

« C’est de la nature que je tiens la trempe de mon âme , mais c’est à ma mère que je dois le développement de mon caractère ; car mon père n’aspira jamais à faire autre chose de moi qu’un savant. Cette femme respectable , dont je déplore encore la perte , cultiva mes premiers ans ; elle seule fit éclore dans mon cœur la philanthropie, l’amour de la justice et de la gloire : sentiments précieux, bientôt ils sont devenus les seules passions