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DANS L’INDE.

palmes raides, semblent une armée de jeunes hommes fiers et primitifs, la tête hérissée de grandes plumes sauvages. Us sont là par milliers, l’aisselle des branches chargée de jeunes cocos dont on devine la mollesse et la fraîcheur. Rien de puissant comme les jets parallèles, la montée rigide de leurs colonnes. On sent la violence de la force organisatrice qui les dresse hors du sol, la succion de la terre et de l’eau par leurs racines, le pullulement dans la chaleur du monde végétal. D’autres arbres portent des fruits verts, écailleux, gros comme des têtes d’hommes. Je reconnais l’arbre à pain, le jaquier. Voici le cacao, le café, le manguier, la muscade, la cannelle, l’acajou, d’impénétrables fourrés d’essences inconnues d’où surgissent en gerbes vingt espèces de palmiers, non pas raides, solitaires, poudreux, comme les palmiers d’Égypte, mais souples, lisses, herbeux comme les enfants de l’équateur humide. Du pied, l’on touche l’herbe verte qui borde la route, et aussitôt on la voit remuer, se crisper, jaunir par grandes plaques. C’est ici la plus grande intensité de la vie végétale. Elle frémit dans ces sensitives, elle se raidit dans ces grosses lianes qui, projetées des plus hauts arbres, descendent à terre en rideaux tendus, elle flambe dans ces feuilles rouges, dans l’éclat de ces fleurs vénéneuses allumées dans la verdure. Au milieu de cette folie des plantes, la