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DANS L’INDE.

ment souple, à une hauteur de cent pieds, elles s’écartent, s’épanouissent comme un vase, se perdent dans une grande chevelure bruissante et triste. Cette gerbe sombre a je ne sais quoi de sinistre, c’est une poussée de sève vénéneuse. Vraiment on se sent plier d’effroi devant une force gigantesque que rien ne peut empêcher de se déployer. Impossible de décrire ce peuple de troncs pressés les uns contre les autres, la violence de leur élan, la légèreté, la sveltesse des hautes tiges. Ce sont des êtres simples et torts, ces géants de la flore tropicale. En juin et juillet, on les voit croître d’un pied par jour. A ce moment, la sève est toute bouillonnante tel l’œuvre d’organisation se fait dans un frémissement d’impatience. Que nous voilà loin de la croissance pénible de nos chênes d’Europe, construits cellule à cellule par la main lente des âges ! Ces bambous sont des tiges d’herbe ; ils ont l’éclat, la souplesse des fougères, et montent impétueusement de la profonde terre végétale vers le soleil créateur.