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PONDICHÉRY ET CALCUTTA.

paquet bleuâtre de formes grouillantes, une pyramide confuse de monstres en porcelaine, grimaçants, innombrables, étages en rangs serrés. Il est hideux et fou, ce toit de pagode, c’est une imagination de cerveau malade qui, accablé, perverti par le soleil torride, délire en cauchemars horribles et grotesques. Et dans cet entassement de figures difformes, de membres contournés qui s’enlacent, il n’y a pas seulement de la déraison, mais encore quelque chose de sauvage, d’inquiétant, d’incompréhensible comme les idoles polynésiennes ou les antiques divinités sanguinaires du Mexique, quelque chose qui nous parle des vieilles races indigènes que les conquérante aryens rencontrèrent partout lorsqu’ils pénétrèrent dans l’Inde, des mystérieuses races noires qui peuplent encore cette partie méridionale de la péninsule et dont on rencontre les tribus errantes dans les forêts de l’intérieur. On retrouve partout ce caractère dans les architectures du sud. A deux pas d’ici, à Madura et à Trichnopoly, elle atteint toute son extravagance et toute son étrangeté, se déployant en pagodes de granit vastes comme des villes, couvrant la terre de ses piliers, entassant en pyramides géantes les dieux, les déesses, les démons, les héros, les singes, les chevaux, les éléphants, tout un monde vivant qui se mêle, se presse, s’étouffe, monte, entassé dans la plus étonnante promiscuité.