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Page:Chincholle - Dans l’Ombre, 1871.pdf/138

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Il y a une expression qu’on a bien raison de ridiculiser, parce qu’elle trompe la plupart des jeunes gens qui se vouent au droit par vocation : ils s’imaginent vraiment qu’ils auront, dès qu’ils seront avocats, la mission de défendre la veuve et l’orphelin. Ils ont lu les plaidoyers célèbres de Berryer et de Marie ; ils croient qu’ils n’auront qu’à parler avec feu, à lever les bras avec art, à montrer de l’esprit et de l’âme, à être orateurs enfin, c’est-à dire presque littérateurs-acteurs. Les voici étudiants ; ils ont leurs entrées au Palais.

Désenchantement amer ! On compte un si grand nombre d’avocats et on prend si rarement un innocent pour un scélérat, qu’un seul de ces étudiants peut-être aura une seule fois, dans sa longue carrière, l’occasion de prononcer un plaidoyer du genre de ceux qui les ont tous séduits. Heureux encore si la plupart de ces dupes de la vocation trouvent, autant qu’il leur en faudra plaider pour ne pas s’endetter, de ces intéressantes affaires où la gouttière d’un voisin, telle muraille à récrépir, un puits à curer remplacent le sujet rêvé : la vie d’un honnête homme à défendre. Et pourtant ils la lui sauveraient la vie, à ce homme ! Et avec quel talent !