Aller au contenu

Page:Chincholle - Dans l’Ombre, 1871.pdf/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 206 —

aussi, son front contre le carreau, d’où il pouvait épier tout ce qui se passait dans la chambre qu’occupait Henri.

— La charité, pour l’amour du bon Dieu ! glapissait, en continuant de jouer l’air de Mira, o Norma, le virtuose du pavé, arrêté par la vue de la jeune fille, sous les fenêtres de M. Jacquin.

Mais pour Henri, mais pour Madeleine, la voix du vieillard et la sombre mélodie de Bellini n’étaient que le funèbre accompagnement nécessaire de ce que, lui Henri, faisait, de ce que, elle, Madeleine, voyait. Quant à M. Jacquin, peu importait qu’il entendît ou qu’il n’entendît pas un être humain se plaindre.

Depuis une semaine, ce pauvre joueur d’orgue n’avait pas eu de chance. Le froid avait été et était encore si vif qu’il eût fallu être un saint Vincent de Paul pour sortir, à l’appel d’un pauvre, une main de la poche. Depuis huit jours donc, le mendiant n’avait guère mangé que les rares croûtes qu’on lui avait données dans les fermes, où il n’y en avait pas trop pour les chiens. Il était glacé, et en même temps qu’il avait faim, il éprouvait, du gosier à la plante des pieds, le besoin de se réchauffer par un peu d’eau-de-vie :