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Page:Chincholle - Dans l’Ombre, 1871.pdf/92

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fille ; le monde lui trouvera l’esprit paradoxal et faux ; ne parlera-t-il pas de choses que la plupart des hommes n’auront jamais remarquées ? Le naturaliste dissèque des plantes, le médecin dissèque des cadavres. On dit les apparences menteuses ; j’ai voulu disséquer la vie intellectuelle et sentimentale. Ah ! l’étude de la vie serait à peu près facile si tous y étaient encouragés par tous. Chacun s’amuse au contraire à tromper son voisin. Telle femme, dont on peut médire sans courir le risque de la calomnier, divague sur la vertu. Telle autre, qui pourrait donner des leçons d’honnêteté, perd son temps à incriminer le vice dont elle n’a pas idée. Reprochez à n’importe quel homme sa position ; il s’en plaignait hier, il est clair qu’il la défendra aujourd’hui. Personne ne travaille à se juger froidement ; la raison est employée à déraisonner sur l’inconnu. C’est ce qui déconcerte le chercheur. S’approche-t-il du puits d’où sort la vérité, vite ! quelqu’un s’élance qui noie la pauvrette ; voilà pourquoi on la peint toujours les jambes dans l’eau ; elle n’a jamais eu le temps de prouver qu’elle ne se termine pas en queue de poisson…

Ne t’endors point, mon oncle ; je désire