hier à la petite personne, & je le lui ai si bien peint, que quand elle serait sa femme depuis dix ans, elle ne le haïrait pas davantage. Je l’ai surtout beaucoup prêchée sur la fidélité conjugale ; rien n’égale ma sévérité sur ce point. Par-là, d’une part, je rétablis auprès d’elle ma réputation de vertu, que trop de condescendance pourrait détruire : de l’autre, j’augmente en elle la haine dont je veux gratifier son mari. Et enfin, j’espère qu’en lui faisant accroire qu’il ne lui est permis de se livrer à l’amour que pendant le peu de temps qu’elle a à rester fille, elle se décidera plus vite à n’en rien perdre.
Adieu, vicomte, je vais me mettre à ma toilette où je lirai votre volume.
Lettre XXXIX.
Je suis triste & inquiète, ma chère Sophie. J’ai pleuré presque toute la nuit. Ce n’est pas que, pour le moment, je ne sois bien heureuse, mais je prévois que cela ne durera pas.
J’ai été hier à l’Opéra avec madame de Merteuil ; nous y avons beaucoup parlé de mon mariage, & je n’en ai appris rien de bon. C’est M. le comte de Ger-