l’ingénuité. Elle est naturellement très caressante, & je m’en amuse quelquefois : sa petite tête se monte avec une facilité incroyable ; & elle est alors d’autant plus plaisante, qu’elle ne sait rien, absolument rien, de ce qu’elle désire tant de savoir. Il lui en prend des impatiences tout à fait drôles ; elle rit, elle se dépite, elle pleure, & puis elle me prie de l’instruire, avec une bonne foi réellement séduisante. En vérité, je suis presque jalouse de celui à qui ce plaisir est réservé.
Je ne sais si je vous ai mandé que depuis quatre ou cinq jours j’ai l’honneur d’être sa confidente. Vous devinez bien que d’abord j’ai fait la sévère : mais aussitôt que je me suis aperçue qu’elle croyait avoir dû me persuader par ses mauvaises raisons, j’ai eu l’air de les prendre pour bonnes : & elle est intimement persuadée qu’elle doit ce succès à son éloquence : il fallait cette précaution pour ne me pas compromettre. Je lui ai permis d’écrire & de dire j’aime ; & le même jour, sans qu’elle s’en doutât, je lui ai ménagé un tête-à-tête avec son Danceny. Mais figurez-vous qu’il est si sot encore, qu’il n’en a seulement pas obtenu un baiser. Ce garçon fait pourtant de fort jolis vers ! Mon Dieu ! que ces gens d’esprit sont bêtes ! Celui-ci l’est au point qu’il m’en embarrasse, car enfin, pour lui, je ne peux pas le conduire.
C’est à présent que vous me seriez bien utile. Vous êtes assez lié avec Danceny pour avoir sa confiance, & s’il vous la donnait une fois, nous irions grand train. Dépêchez donc votre présidente, car enfin je ne veux pas que Gercourt s’en sauve ; au reste, j’ai parlé de lui