Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/138

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qu’elle reçoit ? & elle en reçoit souvent. Je n’ai rien négligé ; tout était ouvert, & j’ai cherché partout ; mais je n’y ai rien gagné, que de me convaincre que ce dépôt précieux reste dans ses poches.

Comment l’en tirer ? depuis hier je m’occupe inutilement d’en trouver les moyens : cependant je ne peux en vaincre le désir. Je regrette de n’avoir pas le talent des filous. Ne devrait-il pas, en effet, entrer dans l’éducation d’un homme qui se mêle d’intrigues ? ne serait-il pas plaisant de dérober la lettre ou le portrait d’un rival, ou de tirer des poches d’une prude de quoi la démasquer ? Mais nos parents ne songent à rien ; & moi j’ai beau songer à tout, je ne fais que m’apercevoir que je suis gauche, sans pouvoir y remédier.

Quoi qu’il en soit, je revins me mettre à table, fort mécontent. Ma belle calma pourtant un peu mon humeur, par l’air d’intérêt que lui donna ma feinte indisposition ; & je ne manquai pas de l’assurer que j’avais, depuis quelque temps, de violentes agitations qui altéraient ma santé. Persuadée, comme elle est, que c’est elle qui les cause, ne devrait-elle pas en conscience travailler à les calmer ? Mais, quoique dévote, elle est peu charitable ; elle refuse toute aumône amoureuse, & ce refus suffit bien, ce me semble, pour en autoriser le vol. Mais adieu ; car tout en causant avec vous, je ne songe qu’à ces maudites lettres.

De… ce 27 août 17…