Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
LES LIAISONS

vée indécemment tard chez madame de Volanges, & que toutes les vieilles femmes m’ont trouvée merveilleuse. Il m’a fallu leur faire des cajoleries toute la soirée pour les apaiser : car il ne faut pas fâcher les vieilles femmes ; ce sont elles qui font la réputation des jeunes.

À présent il est une heure du matin, & au lieu de me coucher, comme j’en meurs d’envie, il faut que je vous écrive une longue lettre, qui va redoubler mon sommeil par l’ennui qu’elle me causera. Vous êtes bien heureux que je n’aie pas le temps de vous gronder davantage. N’allez pas croire pour cela que je vous pardonne ; c’est seulement que je suis pressée. Écoutez-moi donc, je me dépêche.

Pour peu que vous soyez adroit, vous devez avoir demain la confidence de Danceny. Le moment est favorable pour la confiance : c’est celui du malheur. La petite fille a été à confesse ; elle a tout dit, comme un enfant, & depuis, elle est tourmentée à tel point de la peur du diable, qu’elle veut rompre absolument. Elle m’a raconté tous ses petits scrupules, avec une vivacité qui m’apprenait assez combien sa tête était montée. Elle m’a montré sa lettre de rupture, qui est une vraie capucinade. Elle a babillé une heure avec moi, sans me dire un mot qui ait le sens commun. Mais elle ne m’en a pas moins embarrassée ; car vous jugez que je ne pouvais risquer de m’ouvrir vis-à-vis d’une aussi mauvaise tête.

J’ai vu pourtant au milieu de tout ce bavardage, qu’elle n’en aime pas moins son Danceny ; j’ai re-