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Lettre LIV.

La marquise de Merteuil au vicomte de Valmont.

Oh oui, c’est bien avec Danceny qu’il y a quelque chose à savoir ! S’il vous l’a dit, il s’est vanté. Je ne connais personne de si bête en amour, & je me reproche de plus en plus les bontés que nous avons pour lui. Savez-vous que j’ai pensé être compromise par rapport à lui ! & que ce soit en pure perte ! Oh ! je me vengerai, je le promets.

Quand j’arrivai hier pour prendre madame de Volanges, elle ne voulait plus sortir ; elle se sentait incommodée ; il me fallut toute mon éloquence pour la décider, & j’ai vu le moment que Danceny serait arrivé avant notre départ ; ce qui eût été d’autant plus gauche, que madame de Volanges lui avait dit la veille qu’elle ne serait pas chez elle. Sa fille & moi, nous étions sur les épines. Nous sortîmes enfin ; & la petite me serra la main si affectueusement en me disant adieu, que malgré son projet de rupture, dont elle croyait de bonne foi s’occuper encore, j’augurai des merveilles de la soirée.

Je n’étais pas au bout de mes inquiétudes. Il y avait à peine une demi-heure que nous étions chez madame de…, que madame de Volanges se trouva mal en effet, mais sérieusement mal ; & comme de raison, elle voulait rentrer chez elle : moi, je le voulais d’autant moins, que j’avais peur, si nous surprenions les