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Lettre LIII.

Le vicomte de Valmont à la marquise de Merteuil.

J’ai vu Danceny, mais je n’en ai obtenu qu’une demi-confidence ; il s’est obstiné surtout à me taire le nom de la petite Volanges, dont il ne m’a parlé que comme d’une femme très sage, & même un peu dévote ; à cela près, il m’a raconté avec assez de vérité son aventure, & surtout le dernier événement. Je l’ai échauffé autant que j’ai pu, & l’ai beaucoup plaisanté sur sa délicatesse & ses scrupules ; mais il paraît qu’il y tient, & je ne puis pas répondre de lui : au reste, je pourrai vous en dire davantage après-demain. Je le mène demain à Versailles, & je m’occuperai à le scruter pendant la route.

Le rendez-vous qui doit avoir lieu aujourd’hui me donne aussi quelque espérance : il se pourrait que tout s’y fût passé à notre satisfaction ; & peut-être ne nous reste-t-il à présent qu’à en arracher l’aveu, & en recueillir les preuves. Cette besogne vous sera plus facile qu’à moi : car la petite personne est plus confiante, ou, ce qui revient au même, plus bavarde, que son discret amoureux. Cependant j’y ferai mon possible.

Adieu, ma belle amie ; je suis fort pressé ; je ne vous verrai ni ce soir, ni demain : si de votre côté vous avez su quelque chose, écrivez-moi un mot pour mon retour. Je reviendrai sûrement coucher à Paris.

De… ce 3 septembre 17… au soir.