les yeux, & tout de suite je crois le voir ; je me rappelle ses discours, & je crois l’entendre ; cela me fait soupirer ; & puis je sens un feu, une agitation… Je ne saurais tenir en place. C’est comme un tourment, & ce tourment-là fait un plaisir inexprimable.
Je crois même que quand une fois on a de l’amour, cela se répand jusques sur l’amitié. Celle que j’ai pour toi n’a pourtant pas changé ; c’est toujours comme au couvent ; mais ce que je te dis, je l’éprouve avec madame de Merteuil. Il me semble que je l’aime plus comme Danceny que comme toi, & quelquefois je voudrais qu’elle fût lui. Cela vient peut-être de ce que ce n’est pas une amitié d’enfant comme la nôtre ; ou bien de ce que je les vois si souvent ensemble, ce qui fait que je me trompe. Enfin, ce qu’il y a de vrai, c’est qu’à eux deux ils me rendent bien heureuse ; & après tout, je ne crois pas qu’il y ait grand mal à ce que je fais. Aussi je ne demanderais qu’à rester comme je suis ; & il n’y a que l’idée de mon mariage qui me fasse de la peine ; car si M. de Gercourt est comme on me l’a dit, & je n’en doute pas, je ne sais pas ce que je deviendrai. Adieu, ma Sophie ; je t’aime toujours bien tendrement.
Lettre LVI.
À quoi vous servirait, Monsieur, la réponse que