Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/198

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ger d’un événement qui fait le malheur de trois personnes, toutes trois dignes d’un sort plus heureux. Plus sensible encore au chagrin d’en être la cause, qu’à celui d’en être la victime, j’ai souvent essayé, depuis hier, d’avoir l’honneur de vous répondre, sans pouvoir en trouver la force. J’ai cependant tant de chose à vous dire, qu’il faut bien faire un effort sur soi-même ; & si cette lettre a peu d’ordre & de suite, vous devez sentir assez combien ma situation est douloureuse, pour m’accorder quelque indulgence.

Permettez-moi d’abord de réclamer contre la première phrase de votre lettre. Je n’ai abusé, j’ose le dire, ni de votre confiance ni de l’innocence de mademoiselle de Volanges ; j’ai respecté l’une & l’autre dans mes actions. Elles seules dépendaient de moi ; & quand vous me rendriez responsable d’un sentiment involontaire, je ne crains pas d’ajouter, que celui que m’a inspiré mademoiselle votre fille est tel qu’il peut vous déplaire, mais non vous offenser. Sur cet objet qui me touche plus que je ne puis vous dire, je ne veux que vous pour juge, & mes lettres pour témoins.

Vous me défendez de me présenter chez vous à l’avenir, & sans doute je me soumettrai à tout ce qu’il vous plaira d’ordonner à ce sujet. Mais cette absence subite & totale ne donnera-t-elle donc pas autant de prise aux remarques que vous voulez éviter, que l’ordre que, par cette raison même, vous n’avez pas voulu donner à votre porte ? J’insisterai d’autant plus sur ce point, qu’il est bien plus important pour ma-