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DANGEREUSES.

La vicomtesse, qui avait retrouvé son courage dans son lit, me seconda assez bien, & jura ses grands Dieux qu’il y avait un voleur dans son appartement ; elle protesta avec plus de sincérité, que de la vie elle n’avait eu tant de peur. Nous cherchions partout & nous ne trouvions rien, lorsque je fis apercevoir la veilleuse renversée & conclus que, sans doute, un rat avait causé le dommage & la frayeur : mon avis passa tout d’une voix ; & après quelques plaisanteries rebattues sur les rats, le vicomte s’en alla le premier regagner sa chambre & son lit, en priant sa femme d’avoir à l’avenir des rats plus tranquilles.

Vressac, resté seul avec nous, s’approcha de la vicomtesse pour lui dire tendrement que c’était une vengeance de l’amour ; à quoi elle répondit en me regardant : « Il était donc bien en colère, car il s’est beaucoup vengé ; mais, ajouta-t-elle, je suis rendue de fatigue, & je veux dormir. »

J’étais dans un moment de bonté ; en conséquence, avant de nous séparer, je plaidai la cause de Vressac, & j’amenai le raccommodement. Les deux amants s’embrassèrent, & je fus à mon tour embrassé par tous deux. Je ne me souciais plus des baisers de la vicomtesse : mais j’avoue que celui de Vressac me fit plaisir. Nous sortîmes ensemble ; & après avoir reçu ses longs remerciements, nous allâmes chacun nous remettre au lit.

Si vous trouvez cette histoire plaisante, je ne vous en demande pas le secret. A présent que je m’en suis amusé, il est juste que le public ait son tour. Pour le