Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/226

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trer. Je ne doute pas qu’il ne m’ait entendue… Si l’ingrat allait n’y pas venir ? Mais, ditez-moi donc, croyez-vous qu’il y vienne ? Savez-vous que s’il n’y vient pas, j’aurai de l’humeur toute la soirée ? Vous voyez qu’il ne trouvera pas tant de difficulté à me suivre ; &, ce qui vous étonnera davantage, c’est qu’il en trouvera moins encore à me plaire. Il veut, dit-il, crever six chevaux à me faire sa cour ! Oh ! je sauverai la vie à ces chevaux-là. Je n’aurai jamais la patience d’attendre si longtemps. Vous savez qu’il n’est pas dans mes principes de faire languir, quand une fois je suis décidée, & je le suis pour lui.

Oh ! çà, convenez qu’il y a plaisir à me parler raison ! Votre avis important n’a-t-il pas un grand succès ? Mais que voulez-vous ? je végète depuis si longtemps ! Il y a plus de six semaines que je ne me suis pas permis une gaieté. Celle-là se présente ; puis-je me la refuser ? le sujet n’en vaut-il pas la peine ? en est-il de plus agréable, dans quelque sens que vous preniez ce mot ?

Vous-même, vous êtes forcé de lui rendre justice ; vous faites plus que le louer, vous en êtes jaloux. Eh bien ! je m’établis juge entre vous deux : mais d’abord il faut s’instruire, & c’est ce que je veux faire. Je serai juge intègre, & vous serez pesés tous deux dans la même balance. Pour vous, j’ai déjà vos mémoires, & votre affaire est parfaitement instruite. N’est-il pas juste que je m’occupe à présent de votre adversaire ? Allons, exécutez-vous de bonne grâce ; &, pour commencer, apprenez-moi, je vous prie, quelle est cette