mettez à me fuir ? comment se peut-il que l’empressement le plus tendre de ma part, n’obtienne de la vôtre que des procédés qu’on se permettrait à peine envers l’homme dont on aurait le plus à se plaindre. Quoi ! l’amour me ramène à vos pieds ; & quand un hasard heureux me place à côté de vous, vous aimez mieux feindre une indisposition, alarmer vos amis, que de consentir à rester auprès de moi ! Combien de fois hier n’avez-vous pas détourné vos yeux pour me priver de la faveur d’un regard ! & si un seul instant j’ai pu y voir moins de sévérité, ce moment a été si court, qu’il semble que vous ayez moins voulu m’en faire jouir, que me faire sentir ce que je perdais à en être privé.
Ce n’est là, j’ose le dire, ni le traitement que mérite l’amour, ni celui que peut se permettre l’amitié ; & toutefois, de ces deux sentiments, vous savez si l’un m’anime, & j’étais, ce me semble, autorisé à croire que vous ne vous refusiez pas l’autre. Cette amitié précieuse, dont sans doute vous m’avez cru digne, puisque vous avez bien voulu me l’offrir, qu’ai-je donc fait pour l’avoir perdue depuis ? me serais-je nui par ma confiance, & me puniriez-vous de ma franchise ? ne craignez-vous pas au moins d’abuser de l’une & de l’autre ? En effet, n’est-ce pas dans le sein de mon amie, que j’ai déposé le secret de mon cœur ? n’est-ce pas vis-à-vis d’elle seule que j’ai pu me croire obligé de refuser des conditions qu’il me suffisait d’accepter, pour me donner la facilité de ne les pas tenir, & peut-être celle d’en abuser utilement ? Voudriez-vous enfin,