Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/294

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moi, j’étais bien sûre qu’on ne le saurait pas. Le jour fut fixé au surlendemain.

Remarquez que voilà une affaire arrangée, & que personne n’a encore vu Prévan dans ma société. Je le rencontre à souper chez une femme de mes amies ; il lui offre sa loge pour une pièce nouvelle, & j’y accepte une place. J’invite cette femme à souper, pendant le spectacle & devant Prévan ; je ne puis presque pas me dispenser de lui proposer d’en être. Il accepte & me fait, deux jours après, une visite que l’usage exige. Il vient à la vérité me voir le lendemain matin : mais outre que les visites du matin ne marquent plus, il ne tient qu’à moi de trouver celle-ci trop leste ; & je le remets en effet dans la classe des gens moins liés avec moi, par une invitation écrite, pour un souper de cérémonie. Je puis bien dire comme Annette : Mais voilà tout, pourtant !

Le jour fatal arrivé, ce jour où je devais perdre ma vertu & ma réputation, je donnai mes instructions à ma fidèle Victoire, & elle les exécuta comme vous allez voir.

Cependant le soir vint. J’avais déjà beaucoup de monde chez moi, quand on y annonça Prévan. Je le reçus avec une politesse marquée, qui constatait mon peu de liaison avec lui ; & je le mis à la partie de la Maréchale, comme étant celle par qui j’avais fait cette connaissance. La soirée ne produisit rien qu’un très petit billet, que le discret amoureux trouva moyen de me remettre, & que j’ai brûlé suivant ma coutume. Il m’y annonçait que je pouvais compter sur lui ; & ce