Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/293

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J’avoue que d’abord mon embarras fut de trouver, contre ce projet, d’assez mauvaises raisons pour qu’il pût avoir l’air de les détruire ; il y répondit par des exemples. A l’entendre, rien n’était plus ordinaire que ce moyen : lui-même s’en était beaucoup servi ; c’était même celui dont il faisait le plus d’usage, comme le moins dangereux.

Subjuguée par ces autorités irrécusables, je convins, avec candeur, que j’avais bien un escalier dérobé qui conduisait très près de mon boudoir ; que je pouvais y laisser la clef, & qu’il lui serait possible de s’y enfermer, & d’attendre, sans beaucoup de risques, que mes femmes fussent retirées ; & puis, pour donner plus de vraisemblance à mon consentement, le moment d’après je ne voulais plus, je ne revenais à consentir qu’à condition d’une soumission parfaite, d’une sagesse… Ah ! quelle sagesse ! Enfin je voulais bien lui prouver mon amour, mais non pas satisfaire le sien.

La sortie, dont j’oubliais de vous parler, devait se faire par la petite porte du jardin : il ne s’agissait que d’attendre le point du jour ; le cerbère ne dirait plus mot. Pas une âme ne passe à cette heure-là, & les gens sont dans le fort du sommeil. Si vous vous étonnez de ce tas de mauvais raisonnements, c’est que vous oubliez notre situation réciproque. Qu’avions-nous besoin d’en faire de meilleurs ? Il ne demandait pas mieux que tout cela se sût, &