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DANGEREUSES.

l’expérience, et surtout l’amitié m’autorisent à vous représenter, c’est qu’on commence à s’apercevoir dans le monde de l’absence de Valmont, & que si on sait qu’il soit resté quelque temps en tiers entre sa tante & vous, votre réputation sera entre ses mains ; malheur le plus grand qui puisse arriver à une femme. Je vous conseille donc d’engager sa tante à ne pas le retenir davantage, & s’il s’obstine à rester, je crois que vous ne devez pas hésiter à lui céder la place. Mais pourquoi resterait-il ? que fait-il donc à cette campagne ? Si vous faisiez épier ses démarches, je suis sûre que vous découvririez qu’il ne fait que prendre un asile plus commode pour quelques noirceurs qu’il médite dans les environs. Mais, dans l’impossibilité de remédier au mal, contentons-nous de nous en garantir.

Adieu, ma belle amie ; voilà le mariage de ma fille un peu retardé. Le comte de Gercourt, que nous attendions d’un jour à l’autre, me mande que son régiment passe en Corse ; & comme il y a encore des mouvements de guerre, il lui sera impossible de s’absenter avant l’hiver. Cela me contrarie ; mais cela me fait espérer que nous aurons le plaisir de vous voir à la noce, & j’étais fâchée qu’elle se fît sans vous. Adieu : je suis, sans compliment comme sans réserve, entièrement à vous.

P. S. Rappelez-moi au souvenir de madame de Rosemonde, que j’aime toujours autant qu’elle le mérite.

De…, ce 11 août 17…