Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/12

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crains sans cesse de nous compromettre tous trois. Or, vous jugez que je ne veux ni courir ce risque-là, ni vous y exposer l’un & l’autre.

Je serais pourtant vraiment peiné que le peu de confiance de votre petite amie, m’empêchât de vous être utile ; peut-être feriez-vous bien de lui en écrire. Voyez ce que vous voulez faire, c’est à vous seul à décider, car ce n’est pas assez de servir ses amis, il faut encore les servir à leur manière. Ce pourrait être aussi une façon de plus, de vous assurer de ses sentiments pour vous ; car la femme qui garde une volonté à elle n’aime pas autant qu’elle le dit.

Ce n’est pas que je soupçonne votre maîtresse d’inconstance : mais elle est bien jeune ; elle a grand’peur de sa maman, qui, comme vous le savez, ne cherche qu’à vous nuire ; & peut-être serait-il dangereux de rester trop longtemps sans l’occuper de vous. N’allez pas cependant vous inquiéter à un certain point, de ce que je vous dis là. Je n’ai dans le fond nulle raison de méfiance ; c’est uniquement la sollicitude de l’amitié.

Je ne vous écris pas plus longuement, parce que j’ai bien aussi quelques affaires pour mon compte. Je ne suis pas aussi avancé que vous : mais j’aime autant, & cela console ; & quand je ne réussirais pas pour moi, si je parviens à vous être utile, je trouverai toujours que j’ai bien employé mon temps. Adieu, mon ami.

Au château de… ce 26 septembre 17…