Lettre XC
Je désire beaucoup, monsieur, que cette lettre ne vous fasse aucune peine ; ou, si elle doit vous en causer, qu’au moins elle puisse être adoucie par celle que j’éprouve en vous l’écrivant. Vous devez me connaître assez à présent pour être bien sûr que ma volonté n’est pas de vous affliger ; mais vous, sans doute, vous ne voudriez pas non plus me plonger dans un désespoir éternel. Je vous conjure donc, au nom de l’amitié tendre que je vous ai promise, au nom même des sentiments peut-être plus vifs, mais à coup sûr pas plus sincères, que vous avez pour moi, ne nous voyons plus ; partez ; & jusque-là, fuyons surtout ces entretiens particuliers & trop dangereux, où, par une inconcevable puissance, sans jamais parvenir à vous dire ce que je veux, je passe mon temps à écouter ce que je ne devrais pas entendre.
Hier encore, quand vous vîntes me joindre dans le parc, j’avais bien pour unique projet de vous dire ce que je vous écris aujourd’hui ; & cependant qu’ai-je fait, que m’occuper de votre amour… de votre amour… auquel jamais je ne dois répondre ! Ah ! de grâce, éloignez-vous de moi.