Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/127

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à me faire ! Mais chut ! oublions cette légère faute de peur d’y retomber ; & que mon amie elle-même l’ignore.

Aussi pourquoi n’êtes-vous pas là pour me répondre, pour me ramener si je m’égare, pour me parler de ma Cécile, pour augmenter, s’il est possible, le bonheur que je goûte à l’aimer, par l’idée si douce à mon cœur que c’est votre amie que j’aime ? Oui, je l’avoue, l’amour qu’elle m’inspire m’est devenu plus précieux encore, depuis que vous avez bien voulu en recevoir la confidence. J’aime tant à vous ouvrir mon cœur, à occuper le vôtre de mes sentiments, à les y déposer sans réserve ! il me semble que je les chéris davantage, à mesure que vous daignez les recueillir ; & puis, je vous regarde & je me dis : C’est en elle qu’est renfermé tout mon bonheur.

Je n’ai rien de nouveau à vous apprendre sur ma situation. La dernière lettre que j’ai reçue d’elle augmente & assure mon espoir, mais le retarde encore. Cependant ses motifs sont si tendres & si honnêtes, que je ne puis l’en blâmer ni m’en plaindre. Peut-être n’entendrez-vous pas trop bien ce que je vous dis là ; mais pourquoi n’êtes-vous pas ici ? Quoiqu’on dise tout à son amie, on n’ose pas tout écrire. Les secrets de l’amour, surtout, sont si délicats, qu’on ne peut les laisser aller ainsi sur leur bonne foi. Si quelquefois on leur permet de sortir, il ne faut pas au moins les perdre de vue ; il faut en quelque sorte les voir entrer dans leur nouvel asile. Ah ! revenez donc, mon adorable amie ; vous voyez bien que votre retour est