Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/134

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de constance, & je vous souhaite de tout mon cœur qu’elle soit réciproque.

Vous avez raison de vous rendre aux motifs tendres et honnêtes qui, à ce que vous me mandez, retardent votre bonheur. La longue défense est le seul mérite qui reste à celles qui ne résistent pas toujours ; & ce que je trouverais impardonnable à toute autre qu’à un enfant comme la petite Volanges, serait de ne pas savoir fuir un danger dont elle a été suffisamment avertie par l’aveu qu’elle a fait de son amour. Vous autres hommes, vous n’avez pas d’idée de ce qu’est la vertu, & de ce qu’il en coûte pour la sacrifier ! Mais pour peu qu’une femme raisonne, elle doit savoir qu’indépendamment de la faute qu’elle commet, une faiblesse est pour elle le plus grand des malheurs ; & je ne conçois pas qu’aucune s’y laisse jamais prendre, quand elle peut avoir un moment pour y réfléchir.

N’allez pas combattre cette idée, car c’est elle qui m’attache principalement à vous. Vous me sauverez des dangers de l’amour ; & quoique j’aie bien su sans vous m’en défendre jusqu’à présent, je consens à en avoir de la reconnaissance, & je vous en aimerai mieux & davantage.

Sur ce, mon cher chevalier, je prie Dieu qu’il vous ait en sa sainte & digne garde.

Du château de… ce 22 octobre 17…