Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/16

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je sens trop par moi-même combien il est difficile de résister à un sentiment impérieux. Une plainte n’est pas un murmure. Faites par générosité ce que je fais par devoir ; & à tous les sentiments que vous m’avez inspirés, je joindrai celui d’une éternelle reconnaissance. Adieu, adieu, monsieur.

De … ce 27 septembre 17…

Lettre XCI

Le vicomte de Valmont à la présidente de Tourvel.

Consterné par votre lettre, j’ignore encore, Madame, comment je pourrai y répondre. Sans doute, s’il faut choisir entre votre malheur & le mien, c’est à moi à me sacrifier, & je ne balance pas ; mais de si grands intérêts méritent bien, ce me semble, d’être avant tout discutés & éclaircis ; & comment y parvenir, si nous ne devons plus nous parler ni nous voir ?

Quoi ! tandis que les sentiments les plus doux nous unissent, une vaine terreur suffira pour nous séparer, peut-être sans retour ! En vain l’amitié tendre, l’ardent amour, réclameront leurs droits ; leurs voix ne seront point entendues ; & pourquoi ? quel est donc ce pressant danger qui vous menace ? Ah ! croyez-moi, de pareilles craintes, & si légèrement conçues,