Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/181

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le moins que je lui doive pour tous ceux qu’il m’a rendus. Il est actuellement dans la grande inquiétude de savoir s’il sera reçu chez madame de Volanges. Je le calme le plus que je peux, en l’assurant que, de façon ou d’autre, je ferai son bonheur au premier jour ; & en attendant, je continue à me charger de la correspondance qu’il veut reprendre à l’arrivée de sa Cécile. J’ai déjà six lettres de lui, & j’en aurai bien encore une ou deux avant l’heureux jour. Il faut que ce garçon-là soit bien désœuvré !

Mais laissons ce couple enfantin, & revenons à nous ; que je puisse m’occuper uniquement de l’espoir si doux que m’a donné votre lettre. Oui, sans doute, vous me fixerez, & je ne vous pardonnerais pas d’en douter. Ai-je donc jamais cessé d’être constant pour vous ? Nos liens ont été dénoués, & non pas rompus ; notre prétendue rupture ne fut qu’une erreur de notre imagination : nos sentiments, nos intérêts, n’en sont pas moins restés unis. Semblable au voyageur qui revient détrompé, je reconnaîtrai comme lui, que j’avais laissé le bonheur pour courir après l’espérance ; & je dirai comme d’Harcourt :

Plus je vis l’étranger, plus j’aimai ma patrie[1].

Ne combattez donc plus l’idée, ou plutôt le sentiment qui vous ramène à moi ; & après avoir essayé de tous les plaisirs dans nos courses différentes, jouis-

  1. Du Belloy, Siège de Calais.