Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/180

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je puis croire que sans celle-ci je n’en aurais peut-être jamais rencontré.

Il ne serait donc pas étonnant qu’elle me fixât plus longtemps qu’une autre ; & si le travail que je veux faire sur elle exige que je la rende heureuse, parfaitement heureuse, pourquoi m’y refuserais-je, surtout quand cela me sert, au lieu de me contrarier ? Mais de ce que l’esprit est occupé, s’ensuit-il que le cœur soit esclave ? non, sans doute. Aussi le prix que je ne me défends pas de mettre à cette aventure, ne m’empêchera pas d’en courir d’autres, ou même de la sacrifier à de plus agréables.

Je suis tellement libre, que je n’ai seulement pas négligé la petite Volanges, à laquelle pourtant je tiens si peu. Sa mère la ramène à la ville dans trois jours ; & moi, depuis hier, j’ai su assurer mes communications : quelque argent au portier, & quelques fleurettes à sa femme, en ont fait l’affaire. Concevez-vous que Danceny n’ait pas su trouver ce moyen si simple ? & puis, qu’on dise que l’amour rend ingénieux ! il abrutit au contraire ceux qu’il domine. Et je ne saurais pas m’en défendre ! Ah ! soyez tranquille. Déjà je vais, sous peu de jours, affaiblir, en la partageant, l’impression peut-être trop vive que j’ai éprouvée ; & si un seul partage ne suffit pas, je les multiplierai.

Je n’en serai pas moins prêt à remettre la jeune pensionnaire à son discret amant, dès que vous le jugerez à propos. Il me semble que vous n’avez plus de raisons pour l’empêcher ; & moi, je consens à rendre ce signalé service au pauvre Danceny. C’est, en vérité,