Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/196

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sans aucune autre affaire : car la petite Volanges, malgré son état, devait passer toute la nuit au bal précoce de madame V… Le désœuvrement m’avait fait désirer d’abord de prolonger cette soirée ; & j’avais même, à ce sujet, exigé un petit sacrifice : mais à peine fut-il accordé, que le plaisir que je me promettais fut troublé par l’idée de cet amour que vous vous obstinez à me croire ; ou au moins à me reprocher ; en sorte que je n’éprouvai plus d’autre désir que celui de pouvoir à la fois m’assurer & vous convaincre que c’était de votre part, pure calomnie.

Je pris donc un parti violent ; & sous un prétexte assez léger, je laissai là ma belle, toute surprise, & sans doute encore plus affligée. Mais moi, j’allai tranquillement joindre Émilie à l’Opéra ; & elle pourrait vous rendre compte, que jusqu’à ce matin que nous nous sommes séparés, aucun regret n’a troublé nos plaisirs.

J’avais pourtant un assez beau sujet d’inquiétude, si ma parfaite indifférence ne m’en avait sauvé : car vous saurez que j’étais à peine à quatre maisons de l’Opéra, & ayant Émilie dans ma voiture, que celle de l’austère dévote vint exactement ranger la mienne, & qu’un embarras survenu nous laissa près d’un demi-quart d’heure à côté l’un de l’autre. On se voyait comme à midi, & il n’y avait pas moyen d’échapper.

Mais ce n’est pas tout ; je m’avisai de confier à Émilie que c’était la femme à la lettre. (Vous vous rappelez peut-être cette folie-là, & qu’Émilie était le