Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/202

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son lit, & même à la faire revenir : mais elle s’était blessée dans sa chute, & elle ne tarda pas à en ressentir les effets.

Des maux de reins, de violentes coliques, des symptômes moins équivoques encore, m’ont eu bientôt éclairé sur son état : mais, pour le lui apprendre, il a fallu lui dire d’abord celui où elle était auparavant ; car elle ne s’en doutait pas. Jamais peut-être, jusqu’à elle, on n’avait conservé tant d’innocence, en faisant si bien tout ce qu’il fallait pour s’en défaire ! Oh ! celle-là ne perd pas son temps à réfléchir !

Mais elle en perdait beaucoup à se désoler, & je sentais qu’il fallait prendre un parti. Je suis donc convenu avec elle que j’irais sur-le-champ chez le médecin & le chirurgien de la maison, & qu’en les prévenant qu’on allait venir les chercher, je leur confierais le tout, sous le secret ; qu’elle, de son côté, sonnerait sa femme de chambre dès que je serais sorti ; qu’elle lui ferait ou ne lui ferait pas sa confidence, comme elle voudrait ; mais qu’elle enverrait chercher du secours, & défendrait surtout qu’on réveillât madame de Volanges : attention délicate & naturelle d’une fille qui craint d’inquiéter sa mère.

J’ai fait mes deux courses & mes deux confessions le plus lestement que j’ai pu, & de là je suis rentré chez moi, d’où je ne suis pas encore sorti : mais le chirurgien, que je connaissais d’ailleurs, est venu à midi me rendre compte de l’état de la malade. Je ne m’étais pas trompé ; mais il espère que s’il ne survient pas d’autre accident, on ne s’apercevra de rien dans la mai-