Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/50

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j’ai cru m’apercevoir qu’elle avait pleuré : pour m’en éclaircir, je lui ai dit qu’il me semblait qu’elle s’était encore ressentie de son incommodité : à quoi elle m’a obligeamment répondu : « Ce mal-là ne s’en va pas si vite qu’il vient ! » Enfin quand on s’est retiré, je lui ai donné la main ; & à la porte de son appartement elle a serré la mienne avec force. Il est vrai que ce mouvement m’a paru avoir quelque chose d’involontaire : mais tant mieux ; c’est une preuve de plus de mon empire.

Je parierais qu’à présent elle est enchantée d’en être là : tous les frais sont faits ! il ne reste plus qu’à jouir. Peut-être, pendant que je vous écris, s’occupe-t-elle déjà de cette douce idée ! & quand même elle s’occuperait, au contraire, d’un nouveau projet de défense, ne savons-nous pas bien ce que deviennent tous ces projets-là ? Je vous le demande, cela peut-il aller plus loin que notre prochaine entrevue ? Je m’attends bien, par exemple, qu’il y aura quelques façons pour l’accorder ; mais bon : le premier pas franchi, ces prudes austères savent-elles s’arrêter ? leur amour est une véritable explosion ; la résistance y donne plus de force. Ma farouche dévote courrait après moi, si je cessais de courir après elle.

Enfin, ma belle amie, incessamment j’arriverai chez vous, pour vous sommer de votre parole. Vous n’avez pas oublié sans doute ce que vous m’avez promis après le succès ; cette infidélité à votre chevalier ? êtes-vous prête ? pour moi, je la désire comme si jamais nous ne nous étions connus. Au reste, vous connaître est