temps viendra… Mais que de travaux encore ! que j’en étais près hier ! & qu’aujourd’hui je m’en vois éloigné ! Comment m’en rapprocher ? je n’ose tenter aucune démarche ; je sens que pour prendre un parti il faudrait être plus calme, & mon sang bout dans mes veines.
Ce qui redouble mon tourment, c’est le sang-froid avec lequel chacun répond à mes questions sur cet événement, sur sa cause, sur tout ce qu’il offre d’extraordinaire… Personne ne sait rien, personne ne désire de rien savoir : à peine en aurait-on parlé, si j’avais consenti qu’on parlât d’autre chose. Madame de Rosemonde, chez qui j’ai couru ce matin quand j’ai appris cette nouvelle, m’a répondu avec le froid de son âge, que c’était la suite naturelle de l’indisposition que madame de Tourvel avait eue hier ; qu’elle avait craint une maladie, & qu’elle avait préféré d’être chez elle : elle trouva cela tout simple ; elle en aurait fait autant, m’a-t-elle dit : comme s’il pouvait y avoir quelque chose de commun entre elles deux ! entre elle, qui n’a plus qu’à mourir, & l’autre, qui fait le charme & le tourment de ma vie !
Madame de Volanges, que d’abord j’avais soupçonnée d’être complice, ne paraît affectée que de n’avoir pas été consultée sur cette démarche. Je suis bien aise, je l’avoue, qu’elle n’ait pas eu le plaisir de me nuire. Cela me prouve encore qu’elle n’a pas, autant que je le craignais, la confiance de cette femme ; c’est toujours une ennemie de moins. Comme elle se féliciterait si elle savait que c’est moi qu’on a fui ! comme