Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/76

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parler. Et si, vous laissant séduire par cette trompeuse tendresse, vous répondiez selon votre cœur, bientôt renfermée pour longtemps, peut-être pour toujours, vous pleureriez à loisir votre aveugle crédulité.

Cette ruse qu’elle veut employer contre vous, il faut la combattre par une autre. Commencez donc, en lui montrant moins de tristesse, à lui faire croire que vous songez moins à Danceny. Elle se persuadera d’autant plus facilement, que c’est l’effet ordinaire de l’absence ; & elle vous en saura d’autant plus de gré, qu’elle y trouvera une occasion de s’applaudir de sa prudence, qui lui a suggéré ce moyen. Mais si, conservant quelque doute, elle persistait pourtant à vous éprouver, & qu’elle vînt à vous parler de mariage, renfermez-vous, en fille bien née, dans une parfaite soumission. Au fait, qu’y risquez-vous ? Pour ce qu’on fait d’un mari, l’un vaut toujours bien l’autre ; & le plus incommode est encore moins gênant qu’une mère.

Une fois plus contente de vous, votre maman vous mariera enfin ; & alors, plus libre dans vos démarches, vous pourrez, à votre choix, quitter Valmont pour prendre Danceny, ou même les garder tous deux. Car, prenez-y garde, votre Danceny est gentil : mais c’est un de ces hommes qu’on a quand on veut & tant qu’on veut ; on peut donc se mettre à l’aise avec lui. Il n’en est pas de même de Valmont : on le garde difficilement ; il est dangereux de le quitter. Il faut avec lui beaucoup d’adresse, ou, quand on n’en a pas,