Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/77

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beaucoup de docilité. Mais aussi, si vous pouviez parvenir à vous l’attacher comme ami, ce serait là un bonheur ; il vous mettrait tout de suite au premier rang de nos femmes à la mode. C’est comme cela qu’on acquiert une consistance dans le monde, & non pas à rougir & à pleurer, comme quand vos religieuses vous faisaient dîner à genoux.

Vous tâcherez donc, si vous êtes sage, de vous raccommoder avec Valmont, qui doit être très en colère contre vous ; & comme il faut savoir réparer ses sottises, ne craignez pas de lui faire quelques avances : aussi bien apprendrez-vous bientôt que si les hommes nous font les premières, nous sommes presque toujours obligées de faire les secondes. Vous avez un prétexte pour celles-ci : car il ne faut pas que vous gardiez cette lettre ; & je vous demande & j’exige de vous de la remettre à Valmont aussitôt que vous l’aurez lue. N’oubliez pas pourtant de la recacheter auparavant. D’abord, c’est qu’il faut vous laisser le mérite de la démarche que vous ferez vis-à-vis de lui, & qu’elle n’ait pas l’air de vous avoir été conseillée ; & puis, c’est qu’il n’y a que vous au monde, dont je sois assez l’amie pour vous parler comme je fais.

Adieu, bel ange ; suivez mes conseils, & vous me manderez si vous vous en trouvez bien…

P. S. À propos, j’oubliais… un mot encore. Voyez donc à soigner davantage votre style. Vous écrivez toujours comme un enfant. Je vois bien d’où cela vient ; c’est que vous dites tout ce que vous pensez, & rien de ce que vous ne pensez pas. Cela peut passer