Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/79

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votre retenue, digne des plus beaux temps de notre chevalerie, j’ai dit vingt fois : Voilà une affaire manquée !

Mais c’est que cela ne pouvait pas être autrement. Que voulez-vous que fasse une pauvre femme qui se rend, & qu’on ne prend pas ? Ma foi, dans ce cas-là, il faut au moins sauver l’honneur ; & c’est ce qu’a fait votre présidente. Je sais bien que pour moi, qui ai senti que la marche qu’elle a prise n’est vraiment pas sans quelque effet, je me propose d’en faire usage, pour mon compte, à la première occasion un peu sérieuse qui se présentera : mais je promets bien que si celui pour qui j’en ferai les frais n’en profite pas mieux que vous, il peut renoncer à moi pour toujours.

Vous voilà donc absolument réduit à rien ! & cela entre deux femmes, dont l’une était déjà au lendemain, & l’autre ne demandait pas mieux que d’y être ! Hé bien ! vous allez croire que je me vante, & dire qu’il est facile de prophétiser après l’événement ; mais je peux vous jurer que je m’y attendais. C’est que réellement vous n’avez pas le génie de votre état ; vous n’en savez que ce que vous en avez appris, & vous n’inventez rien. Aussi, dès que les circonstances ne se prêtent plus à vos formules d’usage, & qu’il vous faut sortir de la route ordinaire, vous restez court comme un écolier. Enfin un enfantillage, d’une part ; de l’autre, un retour de pruderie, parce qu’on ne les éprouve pas tous les jours, suffisent pour vous déconcerter ; & vous ne savez ni les prévenir, ni y