Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme elle avait fait en allant ; ce qui n’a pas fait trop de plaisir à mademoiselle Julie, qui n’avait pas déjeuné. Mais, comme je lui ai dit, les maîtres sont les maîtres.

En arrivant, Madame s’est couchée : mais elle n’est restée au lit que deux heures. En se levant, elle a fait venir son suisse, & lui a donné l’ordre de ne laisser entrer personne. Elle n’a point fait de toilette du tout. Elle s’est mise à table pour dîner ; mais elle n’a mangé qu’un peu de potage, & elle en est sortie tout de suite. On lui a porté son café chez elle, & mademoiselle Julie y est entrée en même temps. Elle a trouvé sa maîtresse qui rangeait des papiers dans son secrétaire, & elle a vu que c’était des lettres. Je parierais bien que ce sont celles de monsieur ; & des trois qui lui sont arrivées dans l’après-midi, il y en a une qu’elle avait encore devant elle tout au soir ! Je suis bien sûr que c’en est encore une de monsieur. Mais pourquoi donc est-ce qu’elle s’en est allée comme ça ? ça m’étonne, moi ! au reste, sûrement que monsieur le sait bien, & ce ne sont pas mes affaires.

Mme la présidente est allée l’après-midi dans la bibliothèque, & elle y a pris deux livres qu’elle a emportés dans son boudoir : mais mademoiselle Julie assure qu’elle n’a pas lu dedans un quart d’heure dans toute la journée, & qu’elle n’a fait que lire cette lettre, rêver & être appuyée sur sa main. Comme j’ai imaginé que monsieur serait bien aise de savoir quels sont ces livres-là, & que mademoiselle Julie ne le savait pas, je me suis fait mener aujourd’hui dans la