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Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/111

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du Voyage de Siam.

conſcience ! nous n’avons point trop peur. Là-deſſus je compare moi à moi-même, moi allant en Angleterre, à moi allant à Siam : vous ſçavez ſi nous courumes fortune, dans un bon Jach, & vent à ſouhait. J’eus pourtant grande peur ; & plus de quatre fois je me repentis d’avoir quitté le plancher des vaches. Et ici, où la mer a un autre minois, où j’entens les gens du métier, dire, Cela ne vaut rien, il n’en faudroit pas beaucoup comme celui-là, je ſuis tranquille. D’où vient cela ? Je ne jouë plus ; la baſſette ne m’eſt plus de rien : je ſonge un peu à l’autre vie. Je ne tuois perſonne : mais à grand’peine diſois-je mon bréviaire ; & plus d’une fois j’ai quitté le jeu pour aller débrider Veſpres, & puis retourner quêter un ſonica. Quand on en uſe ainſi, on doit craindre les dangers. Rien n’eſt ſi fragile que la vie ; & je ne comprends pas comment ceux qui ne croyent que cette vie, ou qui du moins vivent comme s’ils ne croyoient pas autre choſe, veulent aller à la tranchée ou ſur la mer. Ils devroient, en ſuivant leur raiſonnement, ſe tenir toujours dans une boëte. Mais pour nos Miſſionnaires, c’eſt à eux à eſtre braves. Que hazardent-ils ? leur vie. Peut-eſtre qu’ils mourroient dans leur lit encore plutôt qu’ici ; & s’ils la hazardent, s’ils la donnent pour le ſervice de Dieu, ce Dieu de juſtice leur en donnera une autre cent fois plus heureuſe, & qui durera éternellement. Là-