Aller au contenu

Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
du Voyage de Siam.

réſiſter à des mouvemens ſi impétueux : ſes Supérieurs le modéreront.

Robin eſt mort, & nous le mangerons. C’eſtoit un mouton fameux entre les moutons par ſes grands voyages. Il avoit fait pluſieurs campagnes fort heureuſement ; avoit veu les Iſles de l’Amérique, toujours entre les deux ponts à la tête des autres qu’il endoctrinoit ſur la tangue & ſur le roulis ; & aprés avoir paſſé la ligne, doublé le Cap de bonne Eſpérance, à cinq cens lieuës de Batavie, la ſotte bête s’eſt laiſſé tomber, & s’eſt incommodé d’une jambe de derriere. Robin eſtoit fort gras : on a eu peur qu’il ne maigriſt, on l’a abandonné au boucher. Cet accident a mis la diſcorde dans le vaiſſeau. Quelqu’un s’eſt aviſé de dire que Robin n’eſtoit qu’une machine. Là-deſſus grande diſpute. Tout le monde a pris parti ; & les hiſtoires ne finiſſent point ſur ce qu’a fait un chien, ſur ce qu’a fait une guenon. M. Vachet nous cite des éléphans : chacun retient à faire ſon conte. Aprés chaque conte fait, on diſpute, on crie, & perſonne n’avance. Les machiniſtes font une mine dédaigneuſe. Les autres ſe croyent fondez ſur le bon ſens & ſur l’antiquité. La retraite ſonne ; & chacun ſe va coucher, plein de ſon opinion, & de ſoi-même.

O iij