Aller au contenu

Page:Choisy - Journal du voyage de Siam, 1687.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
215
du Voyage de Siam.

voit dit qu’il falloit ou abbaiſſer le trône, ou élever une eſtrade, afin que ſon Excellence la puſt donner au Roi de la main à la main. M. Conſtance avoit aſſeuré que cela feroit ainſi. Cependant nous entrons dans la ſalle, & en entrant nous voyons le Roi à une fenêtre au moins de ſix pieds de haut. M. l’Ambaſſadeur m’a dit tout bas, Je ne lui ſçauroit donner la Lettre qu’au bout du baton, & je ne le ferai jamais. J’avouë que j’ai eſté fort embaraſſé. Je ne ſçavois quel conſeil lui donner. Je ſongeois à porter le ſiege de M. l’Ambaſſadeur auprés du trône, afin qu’il puſt monter deſſus : quand tout d’un coup, aprés avoir fait ſa harangue, il a pris ſa réſolution ; s’eſt avancé fierement vers le trône, en tenant la coupe d’or où eſtoit la Lettre ; & a preſenté la Lettre au Roi ſans hauſſer le coude, comme ſi le Roi avoit eſté auſſi bas que lui. M. Conſtance, qui rampoit à terre derriere nous, crioit à l’Ambaſſadeur, Hauſſez, hauſſez : mais il n’en a rien fait, & le bon Roi a eſté obligé de ſe baiſſer à mi-corps hors la fenêtre pour prendre la Lettre ; & l’a fait en riant, car voici le fait. Il avoit dit à M. Conſtance, Je t’abandonne le dehors, fais l’impoſſible pour honorer l’Ambaſſadeur de France ; j’aurai ſoin du dedans. Il n’avoit point voulu abbaiſſer ſon trône , ni faire mettre une eſtrade ; & avoit pris ſon parti, en cas que l’Ambaſſadeur ne hauſſaſt pas la Lettre juſqu’à ſa ſenêtre, de ſe baiſſer pour la prendre. Cette poſture