Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/444

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d’étonner ; on eut des vers sans ame, sans harmonie, sans idée ; la licence et la superstition régnoient ensemble dans les mêmes ouvrages ; la galanterie y répandoit ses formes, ses petites pensées et ses exagérations. Les belles-lettres s’appeloient alors la science gaie, non qu’elles inspirassent la gaieté, mais parce qu’elles avoient le mérite de ne pas instruire : tous les auteurs avoient le même style et la même manière. Lorsque François 1er fit briller l’aurore du goût, la lecture des anciens et l’exemple de l’Italie n’apprirent pas aux françois à traiter les sujets nobles. Saint-Gelais et Marot chantoient du même ton les plaisirs et les héros ; le seul françois qui osa penser n’osoit instruire, et prit pour plaire le masque d’un bouffon.

Lorsque Catherine de Médicis apporta en France l’amour des lettres et la considération pour ceux qui les cultivent, elle n’y put inspirer ces sentimens, et sans doute elle les perdit elle-même. Les Jodelles, les Hardis, les Garnier, ne pouvoient plaire à une Princesse accoutumée aux Muses de Florence. Les uns fardoient grossièrement la nature ; d’autres copioient servilement. L’indécence et les mauvaises mœurs avilissoient ces productions sans génie. Montagne qui, pour ainsi dire, avoit été élevé dans l’ancienne Rome et dans Athènes, Montagne qui, par son éducation étoit étranger à sa nation et à son siècle, fut le premier françois qui mit de la raison dans ses