Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/51

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qu’elle voile, pour ainsi dire, toutes les idées qu’elle montre au jour, et qu’enfin elle se corrompt et s’altère bientôt si elle n’est soutenue de l’honnêteté du cœur ; ensorte que l’Académicien françois peut être défini avec plus de justice que ne l’a été autrefois l’orateur parfait : un honnête homme qui parle bien.

Il y a sans doute un admirable rapport entre l’ame et ses expressions. Ce sont ses portraits les plus naturels ; et celui des Romains qui en avoit autant étudié la langue et les mœurs, a remarqué que la langue n’a été pure à Rome qu’autant que les mœurs l’ont été, et qu’on n’a cessé d’y bien parler que quand on s’y est lassé de bien vivre.

Allons encore plus loin sur la foi des histoires : il semble que par je ne sais quelle fatalité, la destinée des Empires soit attachée à celle de leur langue.

L’Empire des Grecs n’a été florissant qu’autant que l’élégance attique, qui charmoit jusqu’à leurs ennemis, et que les dieux même, disoient-ils, auroient empruntée, s’ils avoient voulu parler, a régné parmi eux ; dès que cette divine élégance parut s’altérer, l’indépendance absolue, dont ils étoient si jaloux, commença à déchoir, et l’on vit tomber en même temps leur Empire et leur éloquence.

La domination romaine n’a-t-elle pas eu aussi le même sort que la latine ? L’un et l’autre qui