Page:Chopard - Quelques personnages officiels à Tahiti, sous le règne de S. M. Napoléon III.djvu/54

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Mais nos lecteurs, ou du moins la plupart d’entre eux, ne connaissent point les honorables officiers dont nous venons de citer les noms, ils ne pourront donc point avoir recours à leur témoignage pour vérifier notre dire. C’est pourquoi il nous faut le justifier d’une autre façon, car jeter au visage de qui que ce soit, même à celui de M. Émile de la Roncière, l’épithète que nous avons voilée plus haut, est une chose grave devant Dieu et devant les hommes.

Le fait suivant y suffira, pensons-nous.

M. le comte Émile de la Roncière, Commandant commissaire impérial à Tahiti, avait attaché à sa personne, en qualité d’officier d’ordonnance, M. l’enseigne de vaisseau René-Jules-Édouard Moriceau. Ce jeune homme, à qui cette position créait de nombreux loisirs, s’empressa de les utiliser en se donnant les ennuis d’une passion sérieuse, et s’éprit d’une jeune fille qui, à tous égards, mérite l’amour d’un honnête homme. Il demanda sa main et aussitôt qu’elle lui eût été accordée, il sollicita de Son Exc. M. le Ministre de la Marine, l’autorisation sans laquelle nul officier ne peut se marier. Dans le même temps, le jeune Moriceau écrivit à ses fournisseurs pour qu’ils eussent à lui envoyer, dans le plus bref délai, tous ces objets élégants, mais coûteux, qui composent d’ordinaire une corbeille de mariage. Le bruit public (car de quoi ne se mêle point le public) disait que tout serait digne de la gracieuse fiancée et de l’amour du futur époux.

Hélas ! souvent femme varie, a dit quelqu’un ! que n’eût-il point dit s’il eût parlé des jeunes filles ? Un jour, mademoiselle M… S… reprit sa parole et tous ces beaux projets s’évanouirent.

M. Moriceau, blessé dans son amour, était en outre fort ennuyé d’avoir à payer une foule de colifichets dont il n’avait plus que faire. Leur arrivée cependant était imminente, et peut-être même étaient-ils parvenus déjà à San-Francisco.

Monsieur le Commissaire impérial de la Roncière, auquel le jeune officier d’ordonnance fit part de ses ennuis, se résolut à lui venir en aide et pour cela il écrivit à M. le Consul général de France à San-Francisco une lettre officielle où il lui annonçait, avec douleur, la mort de M. Moriceau, enseigne de vaisseau de la Marine impériale. Il l’informait en outre que ce jeune homme ayant fait en France de nombreuses et importantes demandes de fournitures, il croyait devoir, dans l’intérêt des marchands eux-mêmes, le prier de les avertir, par le télégraphe, de la mort