— Vous y allez pour affaires ?
— Non, je vais revoir le château de Konopischt.
Konopiseht, ou plus exactement Konopistê ! Ce nom semble aiguiser davantage encore la curiosité de mon compagnon à mon égard. Qui pourtant se souvient en France du nom de ce lieu qui fut la résidence favorite de l’archiduc François-Ferdinand d’Este, héritier présomptif du double trône de François-Joseph ? Des pages d’une histoire toute récente y sont inscrites : premières pages du drame qui ensanglanta l’Europe de 1914 à 1918.
— Ah ! oui, le parc et le château sont bien jolis, approuve mon voisin. Savez-vous à quoi François-Ferdinand les devait ?... Au jeu, monsieur ; c’est au jeu qu’il les devait.
— L’archiduc jouait donc ?
— Non, monsieur, il n’avait pas cette passion.
— Mais alors, je ne vois pas...
— C’est pourtant bien simple. L’ancien propriétaire, prédécesseur et ami de François-Ferdinand, était un joueur aussi acharné que malheureux. Il a perdu aux cartes des fortunes, monsieur, de vraies fortunes, et il lui a fallu faire des dettes. Pour le tirer d’affaire, son ami l’archiduc lui a prêté de l’argent, beaucoup d’argent, mais il a exigé comme gage le domaine de Konopistê. Et voilà comment, les prêts n’ayant pas été remboursés, François-Ferdinand est devenu, grâce au jeu, propriétaire du château.
— Vous êtes de la région, sans doute ?
— Oui, monsieur, de Benesov, et je l’ai bien connu, moi, l’archiduc. Il n’était guère aimé dans le pays, je vous assure, et sa femme non plus, car ils étaient durs au pauvre monde. Ce n’est pas eux qui auraient attaché leurs chiens avec des saucisses... Heureusement que Konopistê est de-